Le moins que rien
Le moins que rien est le premier volet de la trilogie autobiographique de David Pelzer. Il y dépose les maltraitances très sévères, inimaginables, qu’il a subies de la part de La Mère, un monstre qui n’a de cesse d’inventer de nouvelles punitions toujours plus atroces, comme le fait de forcer son enfant à avaler de l’ammoniac, de se baigner pendant des heures dans un bain froid ou de le priver de nourriture plusieurs jours d’affilé, encore et encore. C’est un récit très dur, brut, qui marque le lecteur longtemps après la fin du livre.
David nous fait vivre sa terreur, son abandon, son isolement, son indignation, sa douleur et, enfin, ses espoirs. L’univers caché des sévices innommables subis par les enfants se dévoile peu à peu. C’est à travers les yeux, les oreilles, le corps de David que nous prenons conscience de sa détresse, puis de ce qu’il ressent lors de sa victoire sur les tortures inhumaines qu’on lui faisait subir (Valerie Bivens, assistante sociale, p. 148).
Je ne pense pas que je serais allée au bout de ma lecture si celle-ci n’avait pas commencé par la fin. Et pourtant, c’est la deuxième fois que je lis ce livre. En effet, le premier chapitre retrace le sauvetage de David, le 5 mars 1973. Dès lors, le lecteur sait que l’enfant, quels que soient les sévices qu’on lui a infligé, a survécu. Qu’il est désormais libre.
Vient ensuite le récit du bon temps, où la famille vivait, heureuse, et où tout était normal. Puis, petit à petit, La Mère atroce remplace la maman douce et aimante.
Lorsque j’avais quatre ou cinq ans, elle avait fait une chute et je me rappelle encore avoir eu l’impression qu’il ne s’agissait plus de la même femme (p. 26). […] En tout cas, le comportement de maman changea du tout au tout. Il lui arrivait – quand papa était au travail – de rester en peignoir toute la journée, allongée sur le canapé, à regarder la télé (p. 35). […] Quand elle nous grondait, sa voix n’était plus celle d’une mère aimante mais celle d’une affreuse sorcière qui me donna vite froid dans le dos (p. 35).
David n’avait d’autre refuge que l’école. Pour un temps. Le ventre creux, il s’est mis à voler des goûters aux autres enfants et, pris au flagrant délit, il est devenu le souffre-douleur à l’école aussi. De plus, La Mère veillait à ce qu’il aille à l’école dans les mêmes haillons tous les jours. “Une vraie loque humaine” (p. 56).
La Mère me privait de toute identité. Je ne cessais de me donner un mal de chien pour qu’elle me reconnaisse. Peine perdue. Une fois de plus, j’avais échoué. Un désespoir plus profond que jamais me terrassa parce que je sentais bien que c’était un cri du cœur, non des paroles provoquées par l’ivresse. Si elle était revenue en brandissant un coteau pour en finir, j’aurais été soulagé ! (p. 118)
Inutile de retracer ici les brutalités qu’on, surtout La Mère, lui faisait subir. Ce qui ressort de ma lecture de ce récit, c’est comment David va des ténèbres à une lueur d’espoir. Comment il triomphe de l’adversité et comment il survit.
Levant les yeux sur l’épais brouillard masquant le soleil, je n’ai pu m’empêcher de verser des larmes silencieuses, bouleversé par la gentillesse de la suppléante qui m’avait traité comme un être humain, non comme un déchet (p. 99).
Grâce à l’infirmière de son école, la suppléante, un autre professeur ainsi que le directeur, il est mis une fin aux sévices de La Mère lorsqu’ils la dénoncent et que la police se rend sur place, à l’école, pour constater les blessures et pour emmener David hors de l’état.
Dave Pelzer, Le moins que rien, J’ai Lu, 2003.